La salle d’audience est petite mais pleine. On attend les prévenus, le président s’impatiente. En séance, si rien ne se passe, il faut suspendre. « Mesdames et messieurs, levez-vous », on aura vécu une suspension de séance dit ma fille. Ils finissent par arriver. Alignés dans le box tous les trois, chacun son flic derrière, on dirait des vieux garçons pris en faute. Assez expérimentés pour savoir que la bêtise est grosse, leur situation pas fameuse et le risque certain. Assez solidaires ou bien conseillés pour corroborer impeccablement les responsabilités respectives. Assez malins pour reconnaître leurs torts sans oublier de faire rire l’assistance à leurs dépens. Assez juvéniles pour voir, eux aussi, l’ironie de dévaliser une chocolaterie le soir de Noël. Le ballet de leurs récits est parfait. On le croit, que Nasser ne visait que le chocolat et a trouvé presque par hasard la recette en liquide de la veille, la fourrant sans réfléchir dans les poches d’Omar. On la voit, la bulle de colère et de chagrin où Nabil rumine sa dernière défaite conjugale, inaccessible au monde extérieur et en l’occurrence au larcin en train de se faire sous ses yeux. On la sent, la confiance d’Omar pour Nasser, qui rend toute question superflue, même au moment de monter dans sa propre voiture à 3h du matin pour faire un tour à Paris depuis le Bourget. Le contour de l’histoire émerge au fil des longueurs et répétitions du rappel des faits, l’enjeu de la vérité s’estompe. Lorsque la procureure sort de sa manche une valise de cambrioleur professionnel dans le coffre, l’effet tombe à plat. Qu’ils mentent! Ils le font si bien et sont si sympathiques. Au point qu’on préfère éviter d’entendre la suite, les plaidoiries, les mises en cause, tout ce qui rappellera qu’il s’agit d’une affaire. On se lève et on sort.