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Bienvenue. Bienvenue. Bienvenue. Jeanne n’a plus tant de mots mais qu’est-ce qu’elle les utilise bien. Sur la terrasse de son cabanon de trappeur, la mer devant, le maquis derrière, elle plante son poids sur la canne pour ouvrir grand un bras. Puissance du geste et emphase de l’adresse suffisent à rendre le reste superflu. On se prend à goûter la concision des conversations par interjection. Hélas, se désole-t-elle, les mains au ciel, à l’annonce de la séparation. La fluidité des échanges avec les familiers impressionne. Satanas, désigne-t-elle d’un regard gourmand les gâteaux à éloigner. Jeanne donne le rythme et nous ralentissons tous, suspendus à ses mots énoncés un par un qu’il faut habiller de sens. On rigole bien, toute une soirée, à reconstituer l’histoire de la grand-mère corse à partir de bribes, chacune intensément exhumée. Le récit du lendemain, complété par une informatrice plus prolixe, perd en saveur ce qu’il gagne en exactitude.