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Je ne peux pas dire en clair tout ce que je sais. A moi, ces mots s’adressent. Tout le matin, j’ai fait tourner les phrases, occupée à capturer l’heureux de moments d’enfance dont ne me reste qu’un souvenir diffus. Chaque semaine, avec un acharnement qui croît au fil des années, je force la précision, j’expose les non-dits de mes étudiants incapables de formuler ce qu’ils comprennent pourtant si bien. Savoir vraiment, c’est pouvoir l’exprimer, leur dis-je, même si pour ma part, rompue aux conforts du silence comme à ses empêchements, je redoute toujours d’être sommée d’expliciter. Traduire en mots ce qui est éprouvé avec tant de netteté, c’est précisément tout l’effort, avec les autres, avec soi-même, comme avec l’écriture. Le temps de le penser, je reviens à la voix qui m’a happée, dans la radio. Il s’agit d’un alchimiste qui évoque ses secrets pour transmuter l’or. Qu’importe.