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Ce sont des femmes, jeunes et déjà matures, qui écrivent bien. Elles décrivent leurs déboires, ruptures amoureuses, blessures familiales et ratés amicaux qui sont aussi les nôtres, avec humour et sans apitoiement. Léger, le ton est cru et sans coquetterie.
On s’y retrouve, imparfaite, fragile et néanmoins complète ; un certain idéal de féminité. Mais le naturel ne se chasse pas si aisément. L’homme providentiel, prince charmant moderne, émerge en toile de fond. Il n’est pas parfait, d’ailleurs on ne sait rien de lui puisque justement il arrive après la bataille, ouvrant l’ère des résolutions, quand la confiance infuse et que les heurts s’apaisent. Etre celui qu’il fallait, telle est sa qualité.
Je m’indigne de ces livres de tourments écrits depuis l’amour confiant. La posture est tellement confortable. Encore un réflexe de pimbêche, d’aller chercher la fragilité du lecteur en exposant la sienne, tout en précisant, ah mais moi c’est terminé tout cela !
Je reste discrète. Mon agacement laisse perplexe et si je m’explique, la frontière entre détester et jalouser s’affine dangereusement. Suis-je la seule à repérer ce subtil procédé ? Est-ce par peur de m’avouer le désir d’être à leur place ? Aucune envie de le savoir ; je continue à fulminer en silence à chaque occasion. Jusqu’à ce que cela m’arrive. L’amour confiant, etc… Depuis, je n’ai pas écrit de livre. Mais on dirait que j’ai été prise à mon propre piège. Je ne sais plus quoi penser.