Arrête ! Tais-toi. Tais-toi. Tais-toi ! Même étouffés, les hurlements prennent tant de force dans l’ambiance feutrée de l’espace de consultation en sous-sol que je quitte mon siège pour chercher d’où ils viennent. S’il y a bagarre, peut-être faut-il intervenir. Au fond d’un couloir, je l’aperçois à travers la lucarne en plastique des portes battantes. Il paraît grand dans sa blouse blanche, charlotte bigarrée sur la tête, coincé contre le distributeur de boissons qu’il manque percuter du nez à chaque cri lancé à son téléphone. Seul. Sa rage exsude l’insupportable des mots prononcés à l’autre bout et l’impuissance à les arrêter. C’est lui qui s’énerve et pourtant on compatit, soulagé néanmoins par l’absence physique de l’interlocuteur ; sinon on s’inquiéterait de la suite des événements. Je retourne m’asseoir dans le silence des gens qui attendent, tristesse, fatigue ou colère remisées à l’intérieur. Il n’y avait personne à sauver.